29 JANVIER 2003 (LANCELIN) :Je ne fais que jouer avec la nourriture dans mon assiette en tournant et retournant celle-ci à l'aide de ma fourchette depuis dix minutes.
« Te met pas à pleurer Austin, les larmes c'est pour les mauviettes. » Je relève les yeux vers Dani et me retiens de lui désigner mon majeur. Je m'en prendrais une à coup sûr : non seulement parce que je suis impoli, mais parce qu'il ne faut surtout pas s'en prendre au grand Daniel Hemsworth. J'étais tranquille ici la semaine pendant qu'il était à l'internat... Mais dans deux jours, je vais l'y rejoindre et laisser Bronte ici. Je n'ai aucune envie d'être séparé de ma petite sœur... L'avantage c'est que Dani est trois classes au dessus de moi, alors avec un peu de chance, je ne le croiserai pas. Je l'aime, énormément. C'est mon modèle et je fais en sorte de lui ressembler un maximum, parce que tout ce qu'il fait est considéré comme parfait. Mais qu'est ce qu'il est chiant parfois à se prendre pour le roi du monde...
1ER FÉVRIER 2003 (PERTH) : Assis sur mon nouveau lit, mes parents placent une photo de nous cinq sur ma table de nuit pendant que Bronte retourne complètement mon lit à force de sauter dessus.
« Bee arrête! Tu casses tout. » Je lui attrape la cheville pour qu'elle tombe sur le lit, mais elle est nouveau debout en trente secondes chrono.
« T'es nul 'Nel. Et puis ça casse pas un lit. » Je lui tire la langue et mon père fini par l'attraper pour la poser par terre quand les parents de mon futur camarade de chambre font leur entrée. J'ai un sourire vainqueur sur le visage et Bee s’assoit sur le lit en boudant. Les parents se serrent la main en nous présentant mutuellement, pendant que Zachary et moi nous dévisageons. Je n'aime pas l'idée de partager ma chambre, mais je n'ai pas le choix. Bronte place sa main devant mon oreille et "chuchote" à mon oreille.
« Il parle bizarre. » Elle rit et je me contente de sourire sans pour autant détourner le regard. Elle a raison, il a un accent que je n'ai jamais entendu auparavant.
« Peut-être qu'on aura une chambre tous les deux quand je viendrai ? » Je lève les épaules. Elle va me manquer mais peut-être pas au point de partager ma chambre avec elle.
« Les filles dorment pas ici Bee. » Elle affiche une petite moue boudeuse et mes parents se tournent vers moi pour m'embrasser et me rassurer. Je n'ai pas peur. Ou peut-être un peu quand même, c'est la première fois que je vais passer 5 journées loin de la maison, sans les voir. Ils me serrent tour à tour dans leurs bras et je m'interdis de pleurer quand ils disparaissent : c'est pour les filles, ou les bébés, on me l'a assez répété. J'observe Zachary et les au revoir de sa famille en silence, serrant mon coussin contre moi. Je ne le connais pas, mais à partir de maintenant, c'est juste lui et moi.
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6 MAI 2010 (SYDNEY) : Je sors de l’entrainement et me dirige au pas de course vers la bouche de métro la plus proche. Ce soir je chante dans un pub devant une clientèle qu'on peut aisément qualifier de merdique mais je vise les 150 voir les 200$. Ils sont lourds à souhait mais généreux et ici, le loyer coûte cher. Les sorties aussi. Le club ne me paye pas des masses, la ligue B c'est pas grandiose, mais je fais ce que j'aime, c'est déjà ça. Et puis prendre une guitare et chanter, j'aime ça aussi, c'est tout bénéf. Les gars en rient, tant pis. Avant j'avais la belle vie sur la côte ouest, tout payé par papa/maman mais depuis six mois, je suis installé à Sydney, et ce luxe est bien loin. Ils payent l'université ceci dit et ça m'enlève une grosse épine du pied parce que Macquarie, c'est pas cadeau. Le téléphone sonne et je soupire, je suis déjà à la bourre mais il s'agit de Bee, je ne peux pas ne pas prendre l'appel.
« Austin. Dani, il... il est parti. » Je mets un moment à comprendre. Mon frère, mon modèle, ce mec adulé tant par la famille que par notre entourage s'est fait la malle? Comme ça, sans rien dire? No way. Il m'a laissé une lettre, Bee me la lit au téléphone et je pâlis. Si je fais ces études de commerce idiotes, c'est pour gagner un peu de crédit auprès des parents mais surtout à ses yeux à lui -
bah oui le foot et la musique, c'est pour les gamins mais c'est pas une vie. Et lui, il abandonne tout, comme ça. Pire, il a embarqué Taylor, la meilleure amie de Bee (et accessoirement mon fantasme), dans son coup de folie, autrement dit il laisse ma sœur sans personne... je le maudis. A cinq heures de vol de la maison, je ne peux pourtant rien faire de plus que lui parler et la laisser moi aussi pour ne pas me mettre en retard au "boulot". Je n'ai rien d'un professionnel mais je m'en sors pas mal avec une guitare et allez savoir pourquoi, les vieux aiment ma bouille. Je préférerais jouer devant un public plus jeune mais les jeunes, ils sont ruinés pour la plupart et n'ont donc pas grand chose à m'offrir. Un passage rapide à l'appart et je suis prêt. Je me retrouve donc dans le bus, la guitare sur le dos, complètement paumé. Déçu. Dégoûté. Daniel Hemsworth vient de souffler sur mon château de cartes.
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13 SEPTEMBRE 2011 (SYDNEY) « Austin, si tu acceptes, on te veut à 100%. La musique, tu oublies... » J'ai l'air d'un gamin à qui on offre sa première planche. Ou plutôt à Disney si c'est plus facile pour vous situer. Le FC Sydney, club de Ligue A, m'offre un contrat d'attaquant pour trois saisons et j'appose ma signature en mode pilote automatique, sans réfléchir une seconde. La musique? C'était pour payer les factures. J'aime ça, oui, mais je survivrai sans. L'université? Abandonnée une semaine après que Dani soit parti sans donner de nouvelles, ce qui est la meilleure décision que j'ai prise à ce jour. Je me suis concentré sur le football, mon rêve, oubliant ainsi les protestations des Hemsworth et voilà ou j'en suis aujourd'hui. Devant un contrat en or - et le mot est bien choisi vu les chiffres du chèque qui arrivera chaque mois, ce qui me motive d'autant plus.
« Et tes soirées extravagantes avec, on a besoin de toi en forme. » ajoute mon nouvel employeur en mimant de ses doigts une petite pilule. Je sais les règles qui vont en découler, l'ecstasy c'est fini pour moi, les cuites 6 jours sur 7 aussi. Mais je suis attaquant, ça vaut bien quelques sacrifices. On est sportif professionnel ou on ne l'est pas. On me lit et relit les conditions de mon contrat, ce que je peux faire ou ne pas faire, là ou il est bon d'être vu, le régime à suivre -
aïe -, les choses à éviter, les sanctions en cas de non respect de telle ou telle règle. Tout ça est vu en détail et je me contente de dire oui à tout. Je n'écoute pas vraiment, bien trop excité pour me concentrer sur ce blabla incessant. Je sors de là et prends un taxi pour rentrer à l'appartement au plus vite. Bronte m'a rejoint il y a quelques mois comme prévu, ma vie est complète et parfaite à ce jour. Je lui retire ses écouteurs et l'embrasse bruyamment sur la joue pour l'entendre râler.
« Bee... Beach house ou appartement en plein centre avec vue sur la baie ? » Elle m'observe, perplexe. Le nôtre est déjà pas mal mais maintenant on peut avoir mieux, beaucoup mieux, alors je lui demande son avis. La maison sur la plage nous rappellerait notre enfance, se lever et plonger direct c'est pratique, sans compter le jogging matinal et plus évident, le décor. Mais j'aime la ville, avoir tout à portée de main et les boites qui s'alignent une à côté des autres. Bref je suis incapable de faire un choix -
comme bien souvent dans ma vie - et lui accorde donc ce privilège. Ou l'utilise comme bouée de sauvetage, selon les points de vues. Sans qu'elle puisse en placer une, je lui déballe la nouvelle et lui apprend notre déménagement imminent. Je ne mentionne pas la fin de ma vie de nuit, je ne suis pas encore certain de respecter à 100% cette part du contrat.
« Les deux? La coloc' dont je t'ai parlé me plaisait vraiment. » Une coloc. Pas une petite coloc, non non, une coloc à 7, Bee et Taylor inclues (parce que oui Dee nous a rejoint une fois qu'elle a compris que mon frère était un enfoiré). Maintenant que j'ai largement les moyens de subvenir à nos besoin et nous payer un loyer d'un appartement digne de ce nom? J'ai l'impression de retourner à l'internat mais j'y ai eut de bons délires et Bee y tient. Adjugé. Ce n'est pas comme si nous étions pieds et points liés jusqu'à la fin de nos jours après tout...
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Retour de Jules+ + +
8 MAI 2014 - SHARK ATTACK (SYDNEY) : Mon téléphone sonne une nouvelle fois et je le sors de ma poche pour le laisser tomber avec un sourire dans la piscine de l'Ivy. Très malin. Huit appels manqués de Taylor, 4 de Jules, c'est quoi le délire ce soir? Aux dernières nouvelles, j'évitais la première et ne parlais plus à la deuxième. Quand Zachary sort son portable pour me l'afficher sous le nez et que je vois apparaître le nom de Taylor, je lui fais signe d'ignorer et me dirige vers le bar pour nous reprendre un autre shot. Je plane complètement et j'ai bien l'intention de continuer à en profiter, peu importe les efforts fournis pour ruiner ma soirée. Mes mains se crispent sur les shots en question quand je rejoins à nouveau Zach et son teint livide qui me retourne l'estomac.
Il s'est passé quelque chose. Ce con a décroché, et le pire, c'est qu'il a surtout bien fait. J'attends la sentence, qu'il me balance le problème, au lieu de quoi il me traine juste à l'extérieur dans un silence de plomb. On touche à peine le trottoir qu'il dégaine son téléphone pour nous appeler un taxi, alors que je m'appuie contre un mur pour tenir debout. Prendre l'air est le meilleur moyen pour ruiner tous mes efforts de supporter tout ce que j'ai pu ingurgiter ce soir. Il raccroche, se tourne vers moi et m'attrape les joues un peu trop sévèrement pour m'obliger à reprendre mes esprits. Si ce n'était pas lui, il s'en serait déjà mangé une. Quoi que, je ne suis pas en état, je serai encore capable de taper à côté.
« Bronte est à l’hôpital. » J'essaye de le fixer malgré le monde qui tangue et me redresse dés que mon cerveau accepte de traduire l'information. L'adrénaline, la peur... Je ne sais pas ce qui agit mais je me sens mieux en un quart de seconde.
« Pourquoi? C'était Dee? Elle va bien? » J'ai refusé ses appels. L'un après l'autre, pour une simple histoire de cul (incluant mon meilleur ami) dont je ne suis pas très fier. Je n'ai pas eut la présence d'esprit de comprendre que si Taylor insistait, c'est qu'il y avait un soucis.
On fini bien vite aux urgences et Dee plonge dans mes bras à l'instant ou on fait notre entrée.
« Comment elle va? Qu'est ce qui s'est passé? » Accident de surf. Pas compliqué à deviner vu la tenue de Taylor... Elles sont sérieuse d'aller s'offrir une petite baignade en zone interdite au beau milieu de la nuit?
« Elle a été attaquée. On a rien vu venir. Une minute elle surfait, la suivante il la déchiquetait. » Autant les attaques de requins étaient courantes à Lancelin, d'où nous venions, autant elles l'étaient bien moins sur Sydney. Mon corps tremblait sans que je ne puisse le contrôler et je déglutis péniblement en éloignant Taylor de moi pour pour pouvoir l'observer.
« Elle... Elle va s'en sortir? A quel point c'est grave? » Mode automatique activé. Pas de larmes, pas d'hystérie - en dehors de mes tremblements incessant -, je veux juste savoir comment va ma petite sœur.
« Je sais pas. Elle était consciente. Je sais pas s'ils vont pouvoir sauver ses jambes. » C'est con mais sur le coup je m'en fou. Tant qu'ils la sauvent elle, tant qu'elle ne nous abandonne pas sur cet accident, parce qu'elles sont complètement stupides. Malgré mon envie d'insulter Taylor, je la reprends dans mes bras un court moment, soulagé qu'elle n'aie rien. On nous signale de s'installer dans la salle d'attente pour ne pas " bloquer le passage " des urgences et on obéis. J'ai tout fait ces dernières semaines pour qu'on ne se retrouve pas tous les trois dans la même pièce, je n'ai pourtant jamais été aussi soulagé de les avoir tous les deux à mes côtés.
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26 MAI 2014, BREAKEVEN (SYDNEY) : Je reçois un SMS de Zachary et n'hésite pas à aller enfiler un short et un t-shirt pour aller le rejoindre. C'est con, je sors tous les soirs pratiquement et dors une bonne partie de la journée, mais les entraînements me manquent. Je me fais clairement chier. Je me réveille totalement libre de mes mouvements à attendre la soirée, ce qui est d'un ennui total. Je vais courir, à la salle, à la plage avec les potes mais malgré tout ça, je trouve mes journées vides, bien trop habitué à la discipline "stricte" du FC Sydney. J'ai beau râler, avoir deux heures d’entraînements chaque matin, des passages obligatoire à la salle ou chez le kiné et mes préparations de matchs, ça occupe. En réalité, ne "rien faire" ne m'a gêné, j'ai juste besoin d'avoir l'esprit occupé pour ne pas pensé à Jules ou encore à Bronte. Les deux ont fini récemment à l’hôpital, la première me déteste pour le restant de mes jours et j'en ai marre de ruminer à ce sujet. Je bénis Zach pour sa proposition, nos conversations sont parfois des plus banales mais je ne risque pas de penser à mes soucis en étant avec lui. Quoi que... Je me dirige bien vite vers lui et fini en moins de temps qu'il ne le faut pour dire bonjour, avec une vive douleur dans tout le visage suite à son poings qui s'écrase dans ma gueule. Je recule d'un bon mètre sous le choc et me rattrape à une personne lambda qui passe à nos côtés pour ne pas vaciller.
« Enfoiré... » Il est complètement con? Je porte ma main à mon nez et du sang tiède se répand sur celle-ci. Génial.
« Ne t'approche plus jamais d'elle t'as compris ! Ne t'approche plus jamais d'Athena ! » Je le regarde surpris, incapable de prononcer le moindre mot, il m'a pris de court, je ne sais même pas ou est son soucis.
« NE t'avises même pas de m'adresser la parole Hemsworth, j'en ai fini avec toi ! » J'aimerais répondre mais je reste stoïque. Il se fou complètement de ma gueule. Je suis mal placé pour le dire mais sérieux faut arrêter les pilules, ça ne lui réussit pas. J'ai toujours su qu'il était violent, c'est juste la première fois que j'en subis les conséquences et sans raison.
« T’es vraiment qu’un sale con… » Il est déjà parti et je crache du sang sur le trottoir et me redresse, une main toujours sur le visage pour cacher les dégâts. C'est qu'il en a une bonne. J'attrape au hasard le téléphone d'un petit con qui s'est arrêté pour filmer le tout et lui explose sur la bordure.
« CASSE TOI PUTIN ! » Un shot dans le portable alors qu'il est déjà en morceaux et je réalise qu'il n'est pas le seul. Qu'ils aillent tous se faire foutre. Je rebrousse chemin et m’engouffre deux minutes plus tard dans mon building puis dans la salle de bain. Il ne m'a pas raté, enfoiré. Qu'est ce que son ex vient foutre dans la conversation? Qu'est ce que ça peut foutre la personne à qui j'achète nos pilules? Elle pouvait pas fermer sa gueule? Elle a très bien fait ça depuis deux ans. A moins que le soucis, ce soit juste de lui avoir caché qu'elle était de retour? L'un comme l'autre, ça ne justifie pas sa réaction, il a un sérieux souci et je ne serai pas celui qui chercher à l'aider et le comprendre. On en a fini tous les deux.
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3 JUIN 2014, HEARTBEATS SLOWING DOWN. Je porte les pilules que me tend Josh aux lèvres et les avales avec ma boisson, sans lui préciser qu'Edward est déjà passé par moi et que ma commande a été reçue, ingurgitée et bientôt digérée. De toute façon, il s'en fou pas mal et est trop défoncé lui-même pour aller me faire une quelconque morale. Je perds pieds en ce moment, avec cette impression que le sol se dérobe sous ces derniers sans que je n'ai rien ni personne à quoi m'accrocher. Jules, Bronte, maintenant Zachary... Qu'est ce qu'il me reste au juste? Taylor. Je souris à cette pensée et machinalement, la cherche des yeux. La rouquine n'est pas sortie avec nous ce soir mais sait-on jamais, la nuit c'est son domaine autant que le mien, si ce n'est plus. Mon regard se pose sur Jules et je grimace, détournant bien vite mon attention pour boire un nouveau verre. Je suis à la vodka redbull pour ce soir, la cuite d'hier au whisky m'a tué, la simple vue d'une bouteille pourrait me rendre malade. Le problème avec le redbull étant que mon cœur à tendance à s'emballer et à m'empêcher de dormir pour 24h, quand même l'ecsta ne me fait pas cet effet. Tant pis. J’enchaîne les verres avec l'impression que rien ne pourra m'arrêter ce soir. Je sens que j'ai exagéré parce qu'au lieu de me donner des ailes, elles - les pilules, pas le redbull, quoi qu'en dise son slogan - me donnent le tournis. Je vis la soirée par interférence : Par moment je sais exactement ce que je fais mais la minute d'après j'ignore ce que je faisais juste avant, ce qui ne m'inquiète pas plus que ça. Ce n'est pas comme si quelque chose de grave pouvait arriver, les mecs sont avec moi et dans le pire des cas, je rentre avec une des nenettes qui dansent avec moi. Je les redécouvre à chaque fois que je plante mon regard sur leur corps, comme si elles venaient d'arriver et ainsi de suite, ce que je réalise quand Josh me signale qu'au bout de la cinquième fois, elles ont compris mon prénom. J'en ris mais je me sens mal. Et J'ai froid. Je suis en sueur à danser dans la foule, il fait étouffant mais j'ai l'impression que mes muscles sont plongés dans un congélateur. Je perds à nouveau le fil du temps et fini par poser mon regard sur Jules par accident. Aïe. Une douleur indescriptible dans le bras et dans la poitrine, je détourne le regard. Moi qui pensait qu'avoir mal au cœur n'était qu'une expression... pas du tout. Je vois de moins en moins ce qui m'entoure, j'ai l'impression de recevoir des coups dans la poitrine, de ne pas pouvoir fixé mon regard sur quelque chose. Je me rattrape une première fois à une fille qui me repousse violemment en arrière pour me faire tituber de plus belle.
« Ça va mec? » Je perçois la voix de Josh et même si je ne parviens pas à le voir, je lève mon pouce - signe que tout est ok - en me disant que lui doit me voir. Je commence à me diriger vers Jules à qui je
dois parler, même si mon état n'est pas le meilleur, je ne peux pas continuer à l'ignorer.
« Va chercher de l'eau Ed, ça va pas. » La voix de josh est en panique, presque autant que les pulsations de mon cœur, assez pour que les deux couvre la musique. C'est la dernière chose que j'entends alors que je sens mon corps me lâcher et rien ne me rattrape cette fois.
Je me réveille doucement dans un silence de plomb. Je sens les battements de mon cœur dans mes tempes, dans mes oreilles, signe que la musique allait bien trop fort ce soir. Mon estomac me fait mal, mais pas autant que ma poitrine... grande première. D'habitude, je suis en tachycardie toute la nuit sans pouvoir fermer l’œil mais ce n'est pas douloureux. J'ai juste l'impression d'être en pleine crise de panique et rien ne me calme, en dehors de heures. Là, j'ai l'impression d'avoir un gouffre au milieu de la poitrine. Je n'ai pas vraiment envie de vomir, il y a au moins quelque chose de positif. J'essaye de repenser à la soirée d'hier pendant dix bonne minutes avant d’être forcé d'admettre que c'est le black out total en dehors de mon arrivée au Slip Inn. Ensuite, plus rien. Je grimace et fini par tenter d'ouvrir les yeux. C'est en voyant les machines qui me sont reliées dans tous les sens que je réalise leur bruit incessant qui marque chaque battement de mon cœur. Je parviens à glisser mon regard sur Jules dont la tête est posée sur ma main... A croire qu'il n'y a que lorsque l'un de nous deux est mal que l'autre se présente. Je serre la mâchoire à cette idée. Coma Éthylique. J'en viens seul à cette conclusion, seule probable... ou overdose. Non, impossible. Je n'ai pas l'impression d'avoir pris trop d'un ou de l'autre, pas assez pour me retrouver là en tout cas. Je tente de faire bouger mes doigts sur laquelle sa tête est posée pour lui signaler mon réveil.
« Tu vois, quand je dors tu sais rester plus de trois minutes dans la même pièce que moi, on a trouvé le remède. » Dis-je dans un faible sourire. Ma voix est rauque tant ma gorge est sèche, je marmonne à peine sans savoir si elle m'entend ou pas. C'est pas très important de toute façon.
« Le médecin m'a dit de te ménager alors je reste calme mais c'est pas l'envie de t'étriper qui me manque tu sais. Tu m'as fais peur espèce de crétin. » Je souris faiblement et m'écarte dans le lit pour lui faire de la place. A croire que le côté " relié à des machines " joue en ma faveur, je n'ai pas à la supplier très longtemps pour qu'elle s'allonge à mes côtés, que je puisse la serrer contre moi. J'attends une explication, quelque chose qui comble ce black out même si je ne suis pas très fier de lui poser la question.
« Je ne pourrais pas te dire exactement ce qu'il s'est passé au Slip Inn mais tu étais avec des amis, tu buvais et tu dansais avec des greluches refaites de tous les côtés, la routine quoi. A un moment tu t'es approchée de moi et t'es tombé. J'ai rien compris à ce qu'il se passait. Un moment t'étais debout et la seconde d'après t'étais par terre. C'était un malaise je pense mais dans l'ambulance t'as fais un arrêt cardiaque. (...) Ils m'ont posé des tas de questions genre est-ce que tu prends de la drogue, qu'est-ce que tu as bu pendant la soirée mais j'en savais trop rien... Pour les allergies je suis calée mais le reste... Les infirmières ont parlé d'un lavage d'estomac et que t'étais passé à côté du pire mais après... J'en sais rien moi » J'ai mal la tête et du mal à garder le fil de ses paroles mais je retiens l'essentiel : je suis dans la merde. Et pas qu'un peu.
« J'ai appelé Bronte hier mais elle a pas répondu. Taylor et Zach non plus. À croire qu'aucun n'a envie de me parler » Je dépose un baiser sur son front et serre les dents pour ne pas pleurer. Je dois avoir énormément de gênes féminins pour être aussi sensible, et la fatigue n'aide pas mon cas.
« Zach ne viendra pas. » C'est con, c'est encore ce qui me touche le plus dans l'histoire. Peut-être parce que je n'ai rien compris, que je ne sais pas pourquoi l'une des personnes qui comptent le plus pour moi a décidé de me briser le nez et m'ignorer ensuite.
« Pour Dee et Bee... Elles ont assez de trucs en tête, c'est bien qu'elles n'aient pas répondu. J'veux pas les inquiéter pour rien. » Rien. Un arrêt cardiaque mais je m'en suis sorti et ans séquelle - je crois - inutile d'en faire un malheur.
« J'ai pas fait que boire Jules... Si les résultats de ma prise de sang sortent d'ici, j'suis mort, je peux renoncer à tout. » Je retiens une nouvelle fois mes larmes. J'ai tellement bosser pour en arriver là... sacrifices sur sacrifices et comme un connard, j'ai tout pris pour acquis. J'ai déconné, joué, je n'ai respecté aucune part de mon contrat, pas même la règle d'or pour un sportif. Ma réputation est en jeu, ma carrière, mai aussi les résultats du club qui pourront être remis en doute si la ligue estime que nos victoires sont dues à mon dopage. Ce n'est pas le genre d'informations qui va m'écraser quelques semaines et puis nous n'en parlerons plus, ce sera la fin.
« J'ai déconné, j'suis désolé... J'suis désolé pour tout... » De A à Z.
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4 JUIN 2014, YOU & I. J'ouvre péniblement les yeux et grimace en constatant que je suis seul. Jules n'est pas encore revenue, j'avais espoir qu'elle s'allonge à mes côtés à nouveau au plus vite, mais non. Enfin on a réussit à parler sans s'entre-tuer, j'imagine que c'est déjà une belle victoire. Je tourne doucement la tête et grimace en constatant la présence de quelqu'un d'autre. Si je n'étais pas aussi faible, je lui foutrais mon poing dans la gueule tant qu'il dort, histoire qu'il n'aie pas le temps de le voir venir, un prêté pour un rendu mon gars. Enfin je dis ça mais je serais incapable de le toucher, la violence ne fait malheureusement pas partie de moi, ça me serait pourtant bien utile parfois. Quand bien même, je ne pourrais pas lui faire de mal à lui, même si apparemment ça ne marche que dans un sens. J'ai dormi 4h, ils me droguent, c'est pas possible autrement. Je pousse mon poing contre les bras de Zachary jusqu'à ce que sa tête tombe dans le vide et qu'il se réveille en sursaut. Il a un lit pour faire la sieste, qu'il aille donc s'échouer ailleurs.
« T'es venu finir le travail? C'est lâche en sachant que je suis incapable de me défendre. J'te pensais mieux que ça. » Ouai, tout comme je ne le pensais pas capable de me briser le nez et pourtant... Je déglutis et fixe volontairement le plafond, mec ou pas, j'ai qu'une envie et c'est de pleurer. Je suis heureux qui soit là. Ça ne se voit pas forcément, mais je viens de vivre l'une des pires semaine de ma vie, j'ai besoin de lui. Je ne risque pour autant pas de lui faire savoir, ma rancœur prend pour l'instant le dessus, je veux une explication et une valable encore. Quoi que il peut épargner sa salive, quoi que Zachary aie à me dire, je décide d'avance qu'aucune justification ne sera valable à mes yeux. Je me connais, je vais le pardonner sans même y réfléchir, c'est beaucoup trop facile pour lui. Rancunier, blessé, vexé, je me répète ces trois mots : je peux le faire, on y croit.
« Apparemment, tu n’as pas besoin de moi pour ça… tu te débrouilles plutôt bien tout seul… » Il me désigne du menton les machines autour de moi et je lève mon index en guise de réponse.
« T’es qu’un sale con Hemsworth, t’aurais pu crever. Je … Je suis... Je suis tellement désolé pour tout ça… J’aurais dû être avec toi…» Il me cherche du regard et je serre la mâchoire pour ne pas réagir à ses larmes.
Insensible, reste insensible, il ne mérite pas que tu le pardonnes. Et ce même si le voir dans cet état me tue.
« Je suis tellement, tellement désolé Austin. » Il peut l'être. Je m'efforce de regarder ailleurs et inspire en retenant ma respiration pour ne pas craquer à mon tour. Il a beaucoup trop d'influence sur moi et je veux que ça s'arrête, qu'il ne le réalise pas et disparaisse.
« Enfin bref, je vais y aller. Je t’ai emmené des fringues au cas où t’en aurais besoin… je sais que ce n’est pas ce que tu portes d’habitude mais je n’ai pas la chance de porter des trucs hors de prix… » Je le fusille du regard. C'est con mais je le prends comme une reproche, comme si le fait que j'ai réussi ne lui plaisait pas. Qu'il se rassure, tout ça c'est fini, j'ai tout perdu j'en suis certain. Je reste silencieux, je n'essayerai pas de le retenir bien au contraire. Qu'il se casse, loin, et qu'il évite surtout de revenir. Une tonne de choses ne tournent pas rond en ce moment mais si je me fous en l'air à ce point, c'est pour oublier que cet enfoiré m'a rayé de sa vie. Il s'apprête à passer la porte et je soupire lourdement.
« T'es un pauvre con Davenport. » Et puis merde....
« Je devrais finir sur un brancard plus souvent. Jules, maintenant toi. A croire que frôler la mort remet tout en perspective hein? » Moi exagérer? Si peu. Le plus triste est que c'est vrai, les médecins m'estiment chanceux vu l'état dans lequel j'ai passé la porte des urgences.
« Je sais quoi faire la prochaine fois que vous me planter. » J'ai un rire nerveux. Ceci dit, Jules ne m'a pas vraiment planté... on s'est plutôt arraché la tête mutuellement et comme toujours, on revient à l'autre quand il est dans la merde. Logique.
« Merci pour les fringues. » Je les désigne et tourne ensuite la tête vers la fenêtre. J'ai hâte de prendre l'air à nouveau et une frousse bleue de quitter ces murs et découvrir à quel point j'ai ruiné ma vie.
« Jules va bientôt revenir. Tu ferais mieux d'y aller... J'ai beau trouver mon nez charmant, elle n'approuve pas. » Autrement dit, il y a de grandes chances pour qu'elle lui saute à la gorge, pire que d'habitude. Je n'ai de toute façon pas envie de faire comme si tout allait bien, comme s'il était déjà à 100% pardonné car c'est loin - on y croit - d'être le cas. Je me contente de me retourner dans mon lit en fermant les yeux pour ne pas le voir partir. La porte de la chambre s'ouvre et c'est plus fort que moi.
« Zach. » Je me retourne et l'observe un bon moment en silence.
« Ne me fais plus jamais ça. » M'abandonner. Plus jamais.